Dionysios Solomos a écrit, à Zakynthos, en mai 1823, pendant la période de la lutte des Grecs contre les Turcs pour la libération de la Grèce (1821-1828), « L’Hymne à la Liberté », poème composé de 158 strophes. Pour le jeune Solomos, l’Hymne est la première, après de nombreuses compositions en italien, œuvre en grec, laquelle lui assurera son statut de poète grec, et bien sûr de poète national, « le Dante grec ». Il gagne sa place au sein du milieu grec et sa notoriété grandit en Europe.
Cette reconnaissance immédiate coïncide très certainement avec le contexte révolutionnaire, d’où le poète tire son inspiration et en même temps, il le sert, portant en exergue les idéaux révolutionnaires. Il fait appel aux sentiments philhellènes de l’Europe par les traductions simultanées en français, anglais et italien.
« L’Hymne à la Liberté » s’adresse en premier aux révolutionnaires grecs pour leur remonter le moral mais aussi pour les admonester et en second lieu aux philhellènes européens pour leur prouver la légalité et le caractère sacré du combat grec (liberté et religion) et pour s’assurer de leur soutien.
Solomos exprime clairement son désir de voir l’Hymne traduit et imprimé non seulement à Mesologghi mais aussi dans les capitales européennes. Plusieurs traductions seront publiées, notamment une version française de Stanislas Julien (Paris 1825), une version anglaise de Charles Brinsley Sheridan (Londres 1825) et une version italienne du poète Grassetti (Mesologghi 1825), la Révolution grecque a bénéficié de l’impact de l’Hymne qui a atteint ses objectifs propagandistes.
Les premières strophes de l’Hymne ont été mises en musique par Nikolaos Mantzaros en 1828 à Kerkyra. L’unique édition de la musique démotique de l’hymne national grec a vu le jour à Londres en 1873, un an après la mort du compositeur Mantzaros (12 avril 1872), lequel travaillera jusqu’à son dernier jour sur différentes formes musicales pour une présentation parfaite de son oeuvre.
La grande majorité des archives musicales et de la correspondance de Mantzaros a été vendue par son majordome aux magasins de Kerkyras qui a servi de papier d’emballage, ce qui a pu être sauvé a été mis au jour par l’historien zakynthiote Frederikos Albanas.
Nikolaos Mantzaros est né le 26 octobre 1795 à Kerkyra, son père, Docteur en Droit, avait étudié en Italie et jouissait d’une excellente réputation d’orateur et de juriste. Il prit des leçons de violon et de piano avec les frères Pagigos, puis devant son réel talent, son père engagea l’italien Maretti pour lui enseigner l’harmonium. En 1810, Nikolaos Mantzaros fait la connaissance à Kerkyra du musicien italien Varvati qui lui enseignera en 3 ans l’harmonium, la composition et l’instrumentation.
En 1813, il se marie avec la comtesse Mariana, fille d’Antoine Ioustinianos, femme remarquable qui fut admirée et appréciée par Solomos, Thomazaios et Regaldi.
En 1824, il part en Italie afin de poursuivre des études supérieures et s’inscrit au Conservatoire de Naples dont le directeur, Nikolaos Zigarelli fut le professeur de Rossini, Bellini, Mercantante et de beaucoup d’autres.
Zigarelli estimait très sincèrement Mantzaros qui lui proposera de l’engager à la direction du conservatoire, il refuse et rentre à Kerkyra en 1826. Sa volonté farouche de devenir le fondateur de la nouvelle école de musique de la nation grecque le conduira 2 ans plus tard à refuser l’invitation officielle au poste de directeur du conservatoire de Milan. Il reste à Kerkyra et fonde avec d’autres compositeurs-musiciens la Société Philharmonique.
Son aura ne pouvait laisser indifférent le cercle des écrivains et poètes qui résidaient à Kerkyra. Notamment, Dionysios Solomos a éprouvé une profonde joie en compagnie de Mantzaros et il prenait avec un réel plaisir la place de l’élève pour prendre des leçons d’harmonium et de piano avec le musicien. Cette étroite amitié unissant Solomos à Mantzaros, qui a débuté en novembre 1820, année où Solomos quitte Zakynthos pour Kerkyra, durera 30 ans. Le poète zakynthiote adorait la musique et jouissait d’une fameuse réputation de guitariste.
Une rumeur affirmait que Solomos, lui-même, était le premier compositeur impromptu de l’Hymne national.
Dionysios Solomos a immédiatement pris conscience du génie musical de Mantzaros et il s’est inspiré de sa musique.
Vers la fin de l’année 1828, Mantzaros débute la mise en musique des premières strophes de l’Hymne à la Liberté, il achèvera l’œuvre en 1830. L’Hymne est écrit pour une chorale masculine à quatre voix et piano.
La partition est composée de 25 parties, la dernière étant une fugue. Après quelques modifications et simplifications, les deux premières strophes constitueront l’Hymne tel qu’il est connu aujourd’hui. Mantzaros ne voulait pas que la première mélodie démotique soit publiée parce qu’il affirmait et proclamait qu’un Hymne à la Liberté devait avoir un caractère plus mature et plus sérieux.
Dans cet état d’esprit, il débute en octobre 1841, la deuxième mise en musique de l’Hymne qu’il présentera le 5 février 1844 à Solomos. Au moment même où le philosophe Vrailas l’inciter à dédier l’Hymne au premier roi de la Grèce renaissante. Mantzaros accepta et envoya au roi Othon la partition accompagnée d’une lettre de dédicace.
Le roi Othon expédia l’œuvre de Mantzaros à Munich afin qu’elle soit agréée par les compositeurs bavarois, lesquels n’hésitèrent pas à la qualifier « d’œuvre admirable ».
Le roi Othon remerciera le génial Mantzaros en le faisant chevalier de l’ordre royal du Rédempteur, comme témoignage de faveur et d’estime. Il donna l’ordre que cette deuxième partition musicale de l’Hymne soit dorénavant jouée lors des soirées dansantes et au cours des cérémonies officielles du Palais.
Le roi Othon, lors de son arrivée en Grèce, avait fait traduire l’Hymne bavarois lequel était similaire à l’hymne anglais afin qu’il soit joué à l’occasion de diverses manifestations.
En juin 1865, après la réunification des îles d’Eptanissos avec la Grèce, au cours d’un voyage officiel dans les îles Ioniennes, le roi Georges 1er entend jouer en premier sur le débarcadère du port de Kerkyra l’Hymne à la Liberté par la philharmonique de l’île. Cet hymne lui fît grande impression et il décida que l’Hymne à la Liberté de Mantzaros serait joué lors des présentations navales, de la présentation des Couleurs, ect…et serait considéré comme chant national officiel.
Le décret 3281 du 4 août 1865, rédigé par le ministre de la Marine, D. Bountouris, informe le ministre des Affaires étrangères de la volonté royale instituant l’Hymne à la Liberté écrit par Solomos et mis en musique par Mantzaros comme nouveau chant officiel. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles l’hymne serait joué.
Cependant, malgré cette reconnaissance, Mantzaros ne s’est pas précipité pour remettre l’original de la partition de l’Hymne afin qu’il soit publié. Il sera imprimé pour la première fois en 1873 à Londres, un an après la mort du compositeur.
L’Hymne national grec a été accepté par l’ensemble du peuple grec et est considéré comme l’un des meilleurs du monde.